Talk of the Devil / Quand on parle du Diable
Analyse et appareil Critique
En 2008 à l'occasion du centenaire de la naissance d'un certain Ian Lancaster Fleming les éditions rares Queen Ann Press avaient sorti une intégrale de l'oeuvre romanesque et journalistique de l'auteur en 17 tomes , collection à laquelle avait été adjoint comme appât un tome supplémentaire inédit intitulé ' Talk of the Devil ' ( l'un des titres de travail envisagé un temps par Fleming himself pour son roman Les Diamants sont Eternels ) .
A l'époque impossible de pouvoir lire l'ouvrage en question à moins de se payer donc l'intégralité de la collection ;
Collection imprimée à un nombre restreint d'exemplaires et vendue immédiatement à des prix stratosphériques ( pour exemple : plus de … 20 .000 dollars chez un libraire spécialisé américain) .
Impossible dans ces conditions de pouvoir bien entendu espérer un jour pouvoir feuilleter le fameux tome ' bonus ' - qui acquis ainsi très rapidement une réputation de Grââl littéraire parmi les cercles de collectionneurs et les fans …
Cette réputation est-elle méritée ?
Grâce à l'aide d'un proche ami écrivain d'outre-Atlantique , j'ai enfin réussi à mettre la main sur cet ouvrage – à un prix décent .
Je vous livre ici mon analyse partielle du livre .
Tout d'abord une question métaphysique cruciale : faut-il publier des œuvres posthumes de grands auteurs ?
Je citerais ici Bernard de Faloy , ami et biographe de Marcel Pagnol, qui explique dans la préface du ' Temps des Amours ' que ce serait se priver d' oeuvres parfois peut-être pas impérissables mais offrant néanmoins une ultime facette du talent de leurs rédacteurs .
Analyse à laquelle j'adhère personnellement complètement … Quand l'ouvrage en question se justifie pleinement .
Ce qui hélas à mon sens n'est pas du tout le cas de cette collection d'articles signés de la main de Fleming – qui n'avaient pour la plupart que vocation à être publiés dans diverses feuilles de choux et magazines de façon ponctuelle .
La première impression que j'ai eu en parcourant sa table des matière est que l'ensemble est en effet parfaitement hétéroclite – et que peu de pages évoquent en fait la création-phare de l'auteur ( ce qui peut laisser l'amateur ès 007 sur sa faim très rapidement ) .
On a droit par exemple à des articles tirés de divers carnets de voyage - type ' Thrilling Cities ' ( dont un compte-rendu des plongées sous-marines au large de Monaco avec le futur Commandant Cousteau . Pages certes sympathiques mais qui seraient plus à leurs places comme commentaire dans le Monde du Silence ) .
Un autre article intitulé malicieusement ' Bang Bang Kiss Kiss - how I came to write ' ( qui tord le cou à la légende voulant que cette appellation ait été imaginée par le public italien des premiers films ) est bien plus intéressant car Fleming y décortique vraiment le processus de création qui l'a amené à rédiger Casino Royale ( puis à jeter le tout au panier avant qu'un de ses amis éditeurs ne demande à lire le manuscrit … ) .
Enfin l'ouvrage se clôt par une analyse plutot fine de Fleming sur l'avenir de la … Télévision, laquelle de son point de vue devrait sans conteste devenir le media numéro un du milieu du vingtième siècle « à condition d'offrir des programmes intelligents et de qualité » ( ehm … ) .
On y trouve aussi au fil des pages la retranscription de l'échange épistolaire entre Fleming et l'armurier Boothroyd ( échange que j'avais moi-même reproduit en addenda de mon bouquin consacré à l'arsenal de 007 – ouvrage qui n'a hélas toujours pas trouvé d'éditeur repreneur à ce jour ) , qui avait déjà été proposé aux lecteurs du magazine du fan-club 007 américain dans les années 80s .
Un échange dont Fleming utilisera presque verbatim quelques phrases lorsqu'il rédigera la scène de changement de pistolet dans le bureau de M pour Dr No !
Lacune fort regrettable également : l'absence de sources des écrits . Hormis une introduction plutot légère signée de Fergus Fleming - le petit-fils officiel de qui-vous-savez - et d'un autre quidam , pas la moindre indication de l'origine des textes en question ...
Bref , pour faire court , j'ai trouvé perso que ce ( gros ) volume de 401 pages n'apportait en fait pas grand-chose de plus à la gloire littéraire de Ian Fleming , et je m'étonne encore une fois du choix éditorial de certains textes ( dont la grande majorité n'a strictement aucun rapport avec l'agent 007 ) – alors qu'il en existe encore pléthore portant sur le roman policier en général ( je rêverais de lire aussi par exemple un compte-rendu de l'émission de télé où Fleming discute à bâtons rompus avec George Simenon, ou de ses – nombreux – papiers consacrés à ses diverses automobiles , l'une des marottes de l'auteur … ) .
Peut-être qu'un nouveau volume ???
Kevin Collette – Janvier 2024