En
1954 , Ian Fleming a déjà tout réussi . Il a vendu les droits de
son premier roman, Casino
Royale , à la télé US ,
il pense trouver sans problèmes une Major Américaine pour porter au
Cinéma son futur script de '
James Bond of The Secret Service '
( avec – soyons fou - Richard Burton dans le rôle de James
Bond ! ) , et il est sous contrat pour rédiger pour CBS une
série de scripts pour une nouvelle série télé intitulée '
Commander Jamaica ' ( et
plus ou moins directement inspirée des aventures d'un certain agent
secret Britannique ) .
Tout va
pour le mieux , donc .
Sauf que
…
Le
téléfilm adapté de Casino
Royale ( et casé dans la
série anthologique ' Climax ' sans
autre forme de promotion ) fait un bide total et recueille un taux
d'audience misérable .
Personne
ne se porte acquéreur à Hollywood du mirifique script de
' James Bond of the Secret Service ' .
Et la
série télé promise par un producteur indépendant se casse la
figure et ne verra jamais le jour …
D'autres
que Fleming aurait baissé les bras . Lui prend la chose avec
philosophie et se remet devant sa machine à écrire pour concocter
un nouveau roman : ce sera l'extraordinaire Bons
Baisers de Russie …
Et que
deviennent donc les fameux scripts rédigés pour ce projet de
série-télé ? L'astucieux Fleming en recyclera quelques uns
sous forme de longues nouvelles pour son futur recueil '
For Your Eyes Only ' .
Quelques
uns … Mais pas tous !
La Ian
Fleming Publication , détentrice tutélaire des œuvres de
l'écrivain depuis sa mort prématurée en 1964 , décida donc
l'année dernière de fouiner un peu dans les paperasses de l'écrivain
.
On ne
sait jamais , outre le jamais achevé Per
Fine Ounce ( initié
par un autre écrivain , Geoffrey Jenkins , ami fidèle de Fleming )
ou la correspondance privée du Maître avec ses amis ( à paraître
le mois prochain sous le titre ronflant de '
The Man with the Golden Typewriter ' chez
Blomsbury ) , peut-être y-aurait-il encore matière à publication
d'un inédit ?
Bingo ,
on dépoussière vite fait l'un des fameux scripts restés lettre
morte . Intitulé ' Murder
on Wheels ' ( ' Meurtre au volant ' )
, il plonge 007 dans un milieu qui n'est pas vraiment le sien :
celui des courses automobiles des années cinquante , au milieu des
Fangio et autres Stirling Moss ( dont Bond doit d'ailleurs prendre la
place dans cette histoire hors norme ) . Mais le texte est bcp trop
court …
Que
faire ?
Enter
Anthony Horowitz , fils spirituel de Fleming ( sans le savoir ) et
créateur des aventures d'un certain Alex Ryder – que l'on pourrait
aisèment surnommer ' James Bond Junior ' .
Outre
ses qualités intrinsèques d'écrivain, Mr Horowitz est un
pasticheur-née : il s'est déjà emparé du héros de Sir
Arthur Conan Doyle pour lui faire vivre de nouvelles aventures
effrénées - lesquelles ont rencontré un beau succès littéraire .
Ni une ,
ni deux : Corinne Turner ( Big boss des Ian Fleming Publications
) se met sur son trente-et-un et propose à l'écrivain de se lancer
à son tour dans l'enivrante aventure dite de ' la Continuation novel
' .
Soit ,
en bon Français , «
faire du Fleming à la place de Fleming »
Avantage
certain par rapport à la floppée d'auteurs connus qui l'ont précédé
( de Raymond Benson à John Gardner , en passant par Kingsley Amis ou
William Boyd ) , Horowitz disposera lui de ce fameux script inédit
comme point de départ .
A
lui ensuite de l'intégrer dans une intrigue d'un roman de plus de
300 pages … Ce qui n'est pas une mince affaire !
Soyons
honnête : depuis la dernière aventure rédigée sous la plume
de l'écrivain américain Raymond Benson, tous ces successeurs –
aussi célèbres soient-ils – s'étaient cassés les dents en
essayant de copier/coller la prose de Ian Lancaster Fleming .
Chez
Horowitz , elle semble au contraire couler de source – et bien
malin qui pourra déceler – outre la séquence de la fameuse course
automobile – où commence ( et où finit ) les autres emprunts
inédits rédigés de la plume même du créateur de 007 !!!!!
Bref
, ce Trigger Mortis ( jeu de mots bien digne du père de Pussy Galore
ou d' Octopussy ) est une réussite complète – ENFIN digne des
récits originaux imaginés par Ian Fleming dans les années
cinquante …
S'il
vous plaît , Madame Corinne Turner , ne laissez pas s'enfuir Mr
Horowitz et faites-lui un pont d'or pour qu'il nous concocte d'autres
romans tout aussi bien troussés !!!