jeudi 24 septembre 2015


En 1954 , Ian Fleming a déjà tout réussi . Il a vendu les droits de son premier roman, Casino Royale , à la télé US , il pense trouver sans problèmes une Major Américaine pour porter au Cinéma son futur script de ' James Bond of The Secret Service ' ( avec – soyons fou  - Richard Burton dans le rôle de James Bond ! ) , et il est sous contrat pour rédiger pour CBS une série de scripts pour une nouvelle série télé intitulée ' Commander Jamaica ' ( et plus ou moins directement inspirée des aventures d'un certain agent secret Britannique ) .
Tout va pour le mieux , donc .

Sauf que …
Le téléfilm adapté de Casino Royale ( et casé dans la série anthologique ' Climax ' sans autre forme de promotion ) fait un bide total et recueille un taux d'audience misérable .
Personne ne se porte acquéreur à Hollywood du mirifique script de ' James Bond of the Secret Service ' .
Et la série télé promise par un producteur indépendant se casse la figure et ne verra jamais le jour …

D'autres que Fleming aurait baissé les bras . Lui prend la chose avec philosophie et se remet devant sa machine à écrire pour concocter un nouveau roman : ce sera l'extraordinaire Bons Baisers de Russie

Et que deviennent donc les fameux scripts rédigés pour ce projet de série-télé ? L'astucieux Fleming en recyclera quelques uns sous forme de longues nouvelles pour son futur recueil ' For Your Eyes Only '
 
Quelques uns … Mais pas tous !
La Ian Fleming Publication , détentrice tutélaire des œuvres de l'écrivain depuis sa mort prématurée en 1964 , décida donc l'année dernière de fouiner un peu dans les paperasses de l'écrivain .
On ne sait jamais , outre le jamais achevé Per Fine Ounce ( initié par un autre écrivain , Geoffrey Jenkins , ami fidèle de Fleming ) ou la correspondance privée du Maître avec ses amis ( à paraître le mois prochain sous le titre ronflant de ' The Man with the Golden Typewriter ' chez Blomsbury ) , peut-être y-aurait-il encore matière à publication d'un inédit ?

Bingo , on dépoussière vite fait l'un des fameux scripts restés lettre morte . Intitulé ' Murder on Wheels ' ( ' Meurtre au volant ' ) , il plonge 007 dans un milieu qui n'est pas vraiment le sien : celui des courses automobiles des années cinquante , au milieu des Fangio et autres Stirling Moss ( dont Bond doit d'ailleurs prendre la place dans cette histoire hors norme ) . Mais le texte est bcp trop court …
Que faire ?

Enter Anthony Horowitz , fils spirituel de Fleming ( sans le savoir ) et créateur des aventures d'un certain Alex Ryder – que l'on pourrait aisèment surnommer ' James Bond Junior ' .
Outre ses qualités intrinsèques d'écrivain, Mr Horowitz est un pasticheur-née : il s'est déjà emparé du héros de Sir Arthur Conan Doyle pour lui faire vivre de nouvelles aventures effrénées - lesquelles ont rencontré un beau succès littéraire .

Ni une , ni deux : Corinne Turner ( Big boss des Ian Fleming Publications ) se met sur son trente-et-un et propose à l'écrivain de se lancer à son tour dans l'enivrante aventure dite de ' la Continuation novel ' .
Soit , en bon Français , «  faire du Fleming à la place de Fleming »

Avantage certain par rapport à la floppée d'auteurs connus qui l'ont précédé ( de Raymond Benson à John Gardner , en passant par Kingsley Amis ou William Boyd ) , Horowitz disposera lui de ce fameux script inédit comme point de départ .
A lui ensuite de l'intégrer dans une intrigue d'un roman de plus de 300 pages … Ce qui n'est pas une mince affaire !

Soyons honnête : depuis la dernière aventure rédigée sous la plume de l'écrivain américain Raymond Benson, tous ces successeurs – aussi célèbres soient-ils – s'étaient cassés les dents en essayant de copier/coller la prose de Ian Lancaster Fleming .

Chez Horowitz , elle semble au contraire couler de source – et bien malin qui pourra déceler – outre la séquence de la fameuse course automobile – où commence ( et où finit ) les autres emprunts inédits rédigés de la plume même du créateur de 007 !!!!!

Bref , ce Trigger Mortis ( jeu de mots bien digne du père de Pussy Galore ou d' Octopussy ) est une réussite complète – ENFIN digne des récits originaux imaginés par Ian Fleming dans les années cinquante …

S'il vous plaît , Madame Corinne Turner , ne laissez pas s'enfuir Mr Horowitz et faites-lui un pont d'or pour qu'il nous concocte d'autres romans tout aussi bien troussés !!!